+32 (0)10 24 80 69 (Belgique) info@echoscommunication.org

Karamati : sortir du secteur de l’informel pour davantage de protection sociale

Le projet Karamati vise à renforcer les politiques publiques marocaines d’inclusion socio-économique des femmes et des jeunes en contribuant à faire respecter et appliquer les droits au travail décent de 140 aide-ménager·es et de 50 jeunes jardinier·es dans la région de Rabat-Salé-Kenitra.

Ce projet fait suite au projet “Travailleur·euses Domestiques” (lire ci-dessous), mené de 2019 à 2021, qui visait la professionnalisation des travailleur·euses domestiques dans la région de Rabat-Salé-Kénitra, suite à l’entrée en vigueur fin 2018 de la nouvelle loi marocaine 19.12 fixant les conditions de travail et d’emploi des travailleur·euses domestiques. Le projet Karamati tient compte des enseignements du projet “Travailleur·euses Domestiques” et s’inscrit dans un contexte de pauvreté et de de chômage croissant (9,2 % en 2019, 11,9% en 2020, 12,3% en 2021) et de travail des femmes et des jeunes sans contrat ni déclaration du salarié à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), exacerbé de surcroît par la crise sanitaire. Cette prolongation se propose de continuer le travail dans la Région de Rabat-Salé-Kénitra mais se concentre sur l’insertion économique et l’entreprenariat des femmes et des jeunes exerçant·es, et cible plus particulièrement deux catégories de métiers très demandées chez les particuliers, notamment dans les zones urbaines et péri-urbaines, à savoir : les métiers d’aide-ménager·e et de jardinier·e.

Ces deux groupes cibles nécessitent d’être accompagnés dans leurs parcours vers leur intégration dans le marché du travail, une indépendance financière, une meilleure jouissance de leurs droits fondamentaux et la préservation de leur dignité, d’où le nom du projet Karamati (signifie dignité en arabe).

Ce projet est élaboré en partenariat avec le Conseil Régional de Rabat-Salé-Kénitra, l’Association Marocaine Chantiers-Ecoles pour le Développement (AMC), l’école de jardinage Bouregreg Med O Med et l’Organisation Démocratique des Travailleurs au Maroc (ODT).

L’appui institutionnel de la Région et des autorités facilitera le travail de terrain de cette population informelle. Ce projet d’appui aux femmes et aux jeunes exerçant une activité informelle sans protection sociale dans la Région de Rabat-Salé-Kenitra est en parfaite alignement avec les politiques nationales de couverture sociale généralisée pour toutes et tous au Maroc.

À côté du renforcement de capacité lié au droit et du coaching en leadership pour les femmes, le projet s’intéressera à la protection sociale des bénéficiaires en facilitant l’inscription à la Caisse Nationale de Sécurité Sociales – CNSS. Enfin, la durabilité sur la protection des droits sera inscrite dans le projet de syndicat initié par l’Organisation Démocratique du Travail – ODT au Maroc.

Plus précisément, les objectifs du projet Karamati sont de renforcer les politiques publiques d’inclusion socio-économique des femmes et des jeunes, de contribuer à faire respecter les droits au travail décent des femmes et des jeunes aide-ménager·es et des jardinier·es ainsi que professionnaliser ces métiers, de promouvoir l’auto-emploi des jardinier·es, de faire entendre la voix des aide-ménager·es et de leurs employé·es et finalement, d’informer et sensibiliser l’opinion publique sur le travail domestique.

Le projet est financé par notre ONG et Brussels International et s’étalera sur une période de deux ans, de début 2023 à fin 2024.

Gautier Brygo

Gautier Brygo

Représentant pays - Maroc

Courriel
+212 661 300 829

Le contexte du projet

Le Maroc compte plus de 7 millions de foyers et le recours au personnel de maison n’est plus seulement réservé aux familles aisées. Ce secteur emploie une main d’œuvre vulnérable vivant une multitude de problèmes d’ordre économique et social. Le constat général a fait ressortir la nécessité et l’urgence de mettre en place un cadre réglementaire pour éviter les abus auxquels est exposée cette population qui n’a pas été couverte par le code du travail de 2004. L’entrée en vigueur en octobre 2018 de loi spécifique 19-12 fixant les conditions de travail et d’emploi des travailleur·euses domestiques a été un grand soulagement et une réponse aux différents mouvements de plaidoyer menés par la société civile en particulier. Les statistiques présentent sommairement qu’il s’agit de 100.000 à 200.000 emplois dans ce secteur. Cette loi concerne l’ensemble des travailleurs et des travailleuses domestiques : les femmes et hommes de ménage mais également les chauffeur·euses, gardien·nes, jardinier·es.

Le 10 janvier 2019, le Conseil de gouvernement a adopté le projet de décret sur l’immatriculation du personnel de maison à la CNSS. L’ensemble de mesures de protection légale a été pris en faveur de cette catégorie de travailleur·euses. Il est désormais impératif de prévoir un accompagnement permettant à ces employé·es de s’organiser et de développer des capacités de négociation pour mieux défendre leurs droits vis-à-vis de leurs employeur·euses. Aussi un effort doit être observé pour sensibiliser les employeur·euses pour mieux respecter les dispositions de la loi en vigueur. Le personnel de maison étant dans une situation précaire n’a pas les outils pour faire le plaidoyer auprès des employeur·euses. Il existe aussi de nombreux intermédiaires informels qui profitent de la situation précaire et l’absence de contrôle pour mettre en relation les employé·es et le ou la travailleur·euse domestique avec des conditions financières opaques.

Interview avec Khadija Bratti, coordinatrice du projet

Khadija Bratti

Khadija Bratti

Coordinatrice du projet KARAMATI

Je suis coordinatrice du projet KARAMATI chez l’Association Marocaine Chantiers-école pour le développement (AMC) et coordinatrice de développement de projets.

Pourquoi avez-vous accepté de devenir coordinatrice de ce projet ?

La première raison qui m’a poussée à accepter de coordonner ce projet a été de saisir l’opportunité offerte par l’Association Marocaine Chantiers-écoles pour le développement (AMC) de travailler avec ses équipes et avec l’ONG belge Echos Communication. Je connaissais le travail mené par Echos Communication dans les régions en matière de mobilisation des acteurs et actrices territoriaux·ales pour le développement durable.  La deuxième raison, c’est le projet en lui-même, innovant au Maroc, centré sur la dignité au travail et les droits humains des hommes et des femmes. C’est un véritable défi pour moi de travailler dans une autre thématique sociale et un autre territoire que celui où j’ai l’habitude de travailler.

Qu’est-ce qui est important pour vous dans ce projet ?

Les jeunes, filles et garçons, les femmes, quelle que soit leur origine, qui travaillent dans des métiers qui assurent au sein des foyers des services. Il s’agit bien de métiers très demandés mais toujours sous-estimés et dévalorisés. Une grande majorité de femmes et d’hommes travaillent sans contrat et sans protection sociale malgré les législations nationales, telle que la loi 19-12 entrée en vigueur depuis 2018. C’est l’une des populations les plus vulnérables du secteur informel estimée à près d’un million de personnes, selon une étude de la Confédération Démocratique du Travail (CDT).

Ce qui est important pour moi dans ce projet est de valoriser et accompagner ces personnes vulnérables.

Quel impact pensez-vous que ce projet puisse avoir sur les bénéficiaires mais aussi, plus largement, sur la région ?

Le projet porte bien son nom KARAMATI (dignité), c’est le cœur de la problématique. L’impact est de redonner du sens à ces métiers de travailleur·euses domestiques, rehausser le respect que l’on doit aux aide-ménager·es et aux jardinier·es qui travaillent souvent dans des conditions très précaires, les former sur leurs droits, leur offrir l’opportunité de s’organiser et de progresser. En bref, redonner la dignité au travail à ces femmes et ces hommes. Il faudra faire en sorte que les institutions, la société civile, les syndicats et les acteurs et actrices régionaux·ales puissent travailler ensemble afin que la législation sur ce secteur soit appliquée en conformité avec la législation nationale et les normes internationales du travail, telle que la Convention de l’OIT n°189.  C’est un projet novateur dans son approche et ses cibles, il peut s’étendre dans d’autres régions du Maroc et même dans d’autres pays africains dans le cadre d’une coopération triangulaire.

Quelles sont les conditions et les clés de réussite du projet ?

Pour réussir ce projet, je crois que la principale condition est celle d’une action commune et intégrée rassemblant tous les acteurs et actrices concerné·es : les collectivités territoriales de la Région de Rabat-Salé-Kénitra, le Ministère de l’Inclusion Économique, de la Petite Entreprise, de l’Emploi et des Compétences, le Ministère de la Justice, la CNSS, les syndicats, la CGEM, les associations marocaines et les associations de migrant·es, les concerné·es c’est-à-dire les travailleurs et travailleuses domestiques.

Si vous deviez améliorer quelque chose au projet, qu’est-ce que vous changeriez ?

Je ne crois pas que j’aurais changé quelque chose dans le projet, mais peut-être que j’aurais impliqué de manière conventionnelle quelques parties, notamment la Direction du Travail du Ministère de l’Inclusion Économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, la CNSS et les centrales syndicales, pour mieux agir et surtout disposer de données fiables sur cette population qui reste invisibilisée.

Quelles sont les priorités méthodologiques importantes à mettre en place pour opérationnaliser le projet et atteindre les résultats escomptés ?

La logique d’intervention du projet impose deux approches importantes. D’une part, une approche participative de toutes les parties concernées et des bénéficiaires pour plus d’impact, une bonne appropriation du projet et une garantie de sa durabilité, cela implique un travail collaboratif de longue haleine. D’autre part, une approche droits humains et genre que l’on ne peut, bien entendu, dissocier de l’approche participative.

Notre premier projet

Appui à la professionnalisation des travailleur·euses domestiques de la Région de Rabat-Salé-Kénitra

Ce projet, réalisé de 2019 à 2021, visait la professionnalisation des travailleurs et des travailleuses domestiques dans la Région de Rabat-Salé-Kénitra, suite à l’entrée en vigueur fin 2018 de la nouvelle loi marocaine fixant les conditions de travail et d’emploi des travailleurs et des travailleuses domestiques. Cette loi s’inscrit dans une volonté du Maroc de généraliser la couverture sociale pour l’ensemble des citoyens et des citoyennes du pays.

Notre objectif principal c’est d’encadrer cette population de travailleur·euses pour les soutenir à sortir de l’informel et à passer dans un travail formel. Le secteur informel représente aujourd’hui 80% du monde du travail au Maroc. Ce n’est pas acceptable pour un pays comme le Maroc.

Nadia Soubat

Membre de la Confédération Démocratique du Travail & Coordinatrice du projet sur le travail domestique

Ce projet a été réalisé en partenariat avec le REMESS, la Région de Rabat-Salé-Kénitra, la Ville de Rabat, le CGLU Afrique, l’Association Hack&Pitch et l’ODECO (Office du Développement de la Coopération), pendant la période de 2019 à 2021, et était financé par Brussels International.

L’objectif consistait à organiser et à former les travailleur·ses domestiques de manière innovante, à renforcer leurs compétences métiers, leurs donner des bases juridiques, faire quelques dons de matériels adaptés aux métiers ciblés, à accompagner des entreprises de l’économie sociale et solidaire et enfin pouvoir, en fonction des cas identifiés, immatriculer le ou la travailleur·euse domestique suivant la nouvelle loi au Maroc. Une des contributions de notre ONG à ce projet s’est faite notamment au niveau de la conception et la mise en place d’un Carnet de bord digital au profit des travailleur·euses domestiques. Ce carnet sert d’identité numérique et a pour but de faciliter l’accès aux informations sur les opportunités d’insertion socio-économique, de réseautage ou d’offres d’emplois. Cette initiative a bénéficié à plus de 300 travailleur·euses domestiques (jardinier·es, agent·es d’entretien, gardien·nes et chauffeur·euse) et a permis de créer 20 Groupements économiques et plusieurs coopératives ainsi qu’une application mobile et un site web dédiés permettant une meilleure organisation des travailleur·euses concernés.

Les objectifs de développement durable en application sur ce projet

Share This