Il s’opposa fermement aux modèles “culturalisants” de Hofstede et de ses confrères, qui répertoriaient clairement les différences entre les cultures via des catégories. Hofmann développa un modèle d’analyse et d’intervention nuancé, qui donne tout l’espace à une conversation ouverte entre des personnes uniques dans des situations uniques. Il le baptisa Topoi. « Dans un dialogue entre deux personnes, les aspects que chacun souhaite mettre en avant dans ce contexte spécifique ont la priorité. L’autre a peut-être une couleur de peau différente, mais est aussi mère, enseignante, cadette de la famille, etc. Dans un entretien d’embauche avec un candidat allochtone, son origine ethnique a peu d’importance au vu des études, de l’expérience et des capacités professionnelles que la personne veut présenter. Dans une médiation entre couples mixtes, les rôles de père ou de mère, d’homme ou de femme, sont les principaux points de rattachement. Un véritable dialogue demande de l’espace pour soi-même et pour l’autre. Il permet à chacun de se présenter comme il le souhaite. Lorsque l’on souhaite observer les points de vue opposés à travers ce prisme, Topoi constitue un fil conducteur intéressant. Topoi est le terme grec pour “lieux”. Il fait référence aux cinq domaines dans lesquels des différences culturelles et des malentendus peuvent se produire dans la communication. Le sigle reprend les termes “Taal” (Langage), “Ordening” (Aménagement), “Personen” (Personnes), “Organisatie” (Organisation) et “Inzet” (Enjeu) (voir l’encadré p. xx). Pour déterminer la réelle source d’un conflit, Topoi examine ces différents domaines, sans toutefois les tenir à tout prix isolés les uns des autres. Topoi veut rendre les gens conscients de leur cadre de référence et les aide également à remettre celui-ci en question. L’attitude de l’assistant ou de toute personne faisant appel à Topoi s’inscrit dans la même ligne : sa manière de percevoir est également relativisée. Lorsque l’on réalise que notre propre perception diffère de celle de l’autre, on comprend d’emblée l’importance d’une discussion ouverte. Cora Schieffer souligne à quel point la métacommunication est, elle aussi, importante : « Si vous ne comprenez pas ce que dit l’autre, demandez-lui ce qu’il veut dire, ce que cela signifie. Mais évitez les questions comme “Qu’est-ce que cela signifie dans ta culture ?” Demandez plutôt : “Comment as-tu appris cela ? Que trouves-tu important ?” En effet, une personne n’incarne pas toute une culture, chacun a son mélange individuel. Évitez également des déclarations telles que “Nous les Hollandais, vous les Belges”. Lorsque quelqu’un refuse de vous serrer la main, cela peut être une question de croyance, mais il peut s’agir aussi bien d’une précaution d’hygiène visant à éviter la transmission de microbes. Il est bon, dans ce cas, d’en parler. Chacun a ses propres motifs et les reconnaître crée de l’espace pour un dialogue. » Sur le terrain au Congo, à l’occasion d’une rencontre avec un réfugié syrien ou lors d’une conversation avec la mère d’un ami turc de votre fils : dans toutes ces situations, Topoi brise les idées reçues et permet aux gens d’être comme ils sont, et non comme nous les voyons. Un sujet brûlant d’actualité. SYLVIE WALRAEVENS Le sigle Topoi faire référence aux 5 lieux de conflit, de diagnostic et d‘intervention qui peuvent se présenter dans une rencontre interpersonnelle ou interculturelle. Il s’agit du langage verbal et non-verbal, du langage direct et indirect, de la culture de groupe et individuelle, de la signification que l’on donne aux choses. Il s’agit de la perception, de la façon dont une personne voit le monde, le problème, et de la façon dont elle est vue par les autres. Il s’agit du contexte familial, social et relationnel d’une personne, le contexte que quelqu’un met en avant au cours d’une rencontre. C’est l’aspect relationnel. Il fait référence à la question de l‘identité: comment les gens se voient eux-mêmes et comment ils veulent être vus, comment ils voient la relation et l’influence de l’environnement social sur cette relation. Il s’agit du cadre fonctionnel à l’intérieur duquel le conflit a lieu: l’école, le travail, la médiation, … Les gens peuvent nourrir des attentes différentes à cet égard. Il s’agit ici des motivations et des raisons d’agir sous-jacentes, telles que les valeurs et les besoins. Elles sont individuelles, mais elles sont influencées par l’environnement social. La (re)connaissance des motifs des gens est une condition pour un dialogue ouvert. Interculturele gespreksvoering. Theorie en praktijk van het Topoi-model Hoffman Edwin, Bohn Stafleu Van Loghum, Houten (2009) Het TOPOI model http://webcache.googleusercontent.com/ search?q=cache:G5afvRtDyTkJ:www. steunpunt.be/media/document/70030+&c d=6&hl=nl&ct=clnk&gl=be Le 12 novembre, CIMIC organise une rencontre avec “Beschermjassen” une méthode pour les assistants interculturels dans laquelle Topoi et le contextuel occupent une place. Contact: Fanny Matheusen (http://www.thomasmore.be/ beschermjassen-transculturele-hulpverlening-aan-families)outil
Topoi Communication interculturelle sans clichés
Les Flamands sont pragmatiques, les Wallons sont beaux parleurs. Les musulmans sont traditionnels, les chrétiens sont permissifs. Les Africains ont tout le temps, les Allemands sont ponctuels. Des labels bien utiles, des attentes claires, un comportement explicable. Mais n’en déplaise aux guides culturels, un individu ne peut être défini sous une seule étiquette.
Lorsque le Néerlandais Edwin Hoffman termina se thèse de doctorat en 2002, il n’avait qu’une idée en tête : élargir la notion de culture et donner de l’espace à la communication entre individus.
Interpersonnel = interculturel
Le médiateur familial Cora Schieffer examina Topoi de plus près et découvrit une manière extrêmement efficace d’ouvrir le débat entre des points de vue opposés. « Lorsque des personnes d’origine ethnique ou nationale différente se rencontrent, il s’agit avant tout d’une rencontre entre des individus uniques, avec des ressemblances et des différences. On peut qualifier ces différences de culturelles, à condition de donner à ce concept une interprétation large : la façon dont une personne raisonne et agit n’est pas déterminée en premier lieu par son identité ethnique ou nationale, mais par un mélange hautement individuel d’influences environnementales qui déterminent son point de vue : son sexe, son origine sociale, sa situation professionnelle, son éducation, son contexte familial, etc. Tout individu est marqué par sa culture, mais il peut encore appartenir, en cela, à un sous-groupe d’un sous-groupe. Raison pour laquelle chaque communication interculturelle est interpersonnelle et chaque communication interpersonnelle est interculturelle. »
Noire, mais aussi mère et enseignante
Topoi, un sigle
Je vois, tu vois, ils voient
Prenons, pour clarifier les choses, un “lieu” comme exemple, à savoir l’Aménagement. Il s’agit de la perception d’une personne et de son entourage : comment elle voit le monde ou le sujet du débat, comment les autres voient cela et comment la personne en question se positionne par rapport à cette image de l’autre. Des questions ciblées peuvent aider à s’en faire une idée. Mais gardez également à l’esprit que le contexte de chaque individu est stratifié. En fonction de la situation, les gens porteront des choses différentes à l’avant-plan ou à l’arrière-plan. Une interaction dans le contexte d’une école cache de nombreux autres contextes, à savoir la situation familiale, le contexte relationnel, la position de la personne dans le groupe, son appartenance au in-group ou au out-group. Lorsque l’on parle de “nous”, de qui parle-t-on ? Cet habitant du village environnant est-il un voisin ou est-ce un étranger du fait qu’il parle un autre dialecte ? Tant de questions qu’il faut éclaircir si l’on veut comprendre quelle perception les gens ont de la réalité.
Des cadres de référence relatifs
“Nous les Hollandais, vous les Belges”
“Topoi aurait donné une vue plus exacte”
Topoi aide à aborder des questions sensibles. Cora Schieffer regrette qu’elle ne connaissait pas encore le modèle lorsqu’elle assista un couple rwandais il y a quelques années. La femme était arrivée en Allemagne à l’âge de 8 ans, après que toute sa famille eut été assassinée durant le génocide. Le mari avait commencé ses études en Belgique à l’âge de 22 ans. « Je n’ai jamais évoqué la guerre civile dans le cadre de leurs problèmes conjugaux. Cela aurait pourtant jeté un éclairage important sur la situation. Le traumatisme du génocide se situe en effet notamment dans les domaines “Personnes” et “Classification”. Il expliquait l’importance que chacun d’eux accordait aux relations et pourquoi ils n’osaient pas se séparer. Faire en sorte de pouvoir parler de ce sujet aurait donné à la discussion une orientation beaucoup plus juste. »
5 lieux de conflit
Taal (Langage)
Ordening (Aménagement)
Personen (Personnes)
Organisatie (Organisation)
Inzet (Enjeu)
Les forces
Les limites
En savoir +
Lecture
Internet
Une analyse d’une conversation concrète
Outils. Topoi Communication interculturelle sans clichés
Posté par 10 mars 2016 dans Communication, Comportement et attitude, Interculturel, n'GO Blog, ONG, Outils, Relations humaines, Sylvie Walraevens