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Portrait

Omar Ba. Il faut répondre au racisme avec humanité

“Les modèles scientifiques et les discours politiques ont dispersé l’humanité. Je rêve de revenir à une unité, car il y a plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous séparent.” Voilà les paroles d’Omar Ba, qui se bat depuis des années pour une coexistence pacifique des communautés. Un Africain avec une approche rafraîchissante de la diversité.

Omar Ba a les deux pieds dans le débat sur la diversité: l’un en tant qu’ancien coordinateur de la Plateforme flamande des Communautés Africaines, l’autre en tant que membre du CA de Kif Kif. Pour lui, il n’est pas question de mettre l’identité dans une boite. «L’individualité et l’unité forment un duo merveilleux dans le monde africain. Tout d’abord, le continent africain est le plus diversifié au monde. Ensuite, les Africains se sentent tous liés les uns aux autres d’une manière ou d’une autre. Les conflits sur notre continent sont plus motivés par des intérêts politiques, économiques et militaires que par des frictions culturelles. C’est ainsi que les Africains d’origines diverses s’identifient à des personnalités telles que Patrice Lumumba, bien qu’elles ne représentent pas leur peuple. La communauté noire, ici en Belgique, est basée sur deux facteurs principaux de rapprochement: l’itinéraire de migration et le regard sur les Noirs.»

Transculturalisme versus confrontation

Fils d’un père mauritanien et d’une mère sénégalaise, Omar Ba a lui-même une identité mixte. «La diversité est évidente pour moi. Je ne veux pas m’attacher à une communauté. Je me considère citoyen du monde, panafricaniste. Je veux unir les personnes et je regarde au-delà des couleurs. Les gens se sont enfermés dans des communautés, car certaines tendances nous ont classés en fonction de la couleur ou de l’origine. Mais au fond, nous avons plus de points communs que de différences.»

L’historien qu’est Omar Ba, connaît évidemment les nombreux affrontements culturels et la ségrégation passés. Mais en tant que citoyen du monde engagé, il rêve plus loin que l’horizon. «Les gens ont toujours dépassé les frontières, mais aujourd’hui, la mondialisation a atteint une vitesse sans précédent grâce au progrès technologique. Il n’y a jamais eu tant de diversité. Le contact entre les religions et les cultures crée des frictions et des confrontations. C’est normal, mais je regrette que l’on se concentre trop sur le choc et pas assez sur l’issue de cette union: l’interculturalisation. Le contact ne doit pas se limiter à une confrontation, suite à laquelle chacun suit son propre chemin. On ne fait un pas en avant que lorsque la rencontre culturelle se traduit par une fécondation intellectuelle et culturelle. Nous vivons dans un monde de cultures itinérantes ; les gens sont stimulés par des impulsions diverses, pas seulement par leur environnement immédiat. Par exemple, un jeune Indien, fasciné par la culture pop américaine, peut parfaitement se comporter comme un New-Yorkais dans sa ville natale. C’est ce qui s’appelle le transculturalisme. Cette évolution nous contraint à repousser les limites de notre vision de l’identité culturelle.»

Avoir de l’argent mais pas de maison

Cette conception d’un monde ouvert et de l’humanité n’est malheureusement pas partagée par une grande partie de la population. La propagande coloniale, avec ses nombreux films et publications, a profondément ancré les stéréotypes dans notre mémoire collective. C’est pourquoi les préjugés sont encore très répandus au 21e siècle. «L’Africain n’est pas travailleur, n’est pas sérieux et ne pense qu’à se divertir. L’Africain n’est jamais à l’heure… J’ai moi-même dû lutter contre tous ces préjugés. C’est vraiment frustrant d’avoir les ressources financières, mais pas d’accès au logement. C’est également très pénible pour un Noir de devoir se justifier, pour avoir une chance sur un marché du travail déjà saturé, sans réseau et avec la “mauvaise” couleur… L’Africain noir est confronté à un énorme complexe d’infériorité, résultat d’une vision eurocentriste prolongée.»

Une place pour la solidarité

Les Africains ont cependant beaucoup à offrir à la société occidentale, pense Omar Ba, comme la relativisation, la solidarité, l’hospitalité, la chaleur et la spontanéité : quelques valeurs typiquement africaines. «Pour l’Africain, l’homme a la priorité sur le système. En Occident, de nombreux aspects qui auparavant étaient régis par la vie en commun ont été transférés aux institutions. La solidarité organisée est évidemment très importante, mais la chaleur et la solidarité humaines sont également essentielles au développement. En Afrique, rien d’autre n’existe et cela n’est pas bon non plus.»

Présentateur de JT noir

IMG_OmarCe qui motive le plus Omar Ba est sa volonté d’éliminer la dualité entre Noir et Blanc. «Je veux montrer que les différences sont plus alimentées par l’imaginaire que par la réalité. Je ne crois pas au déterminisme social. Mon père m’a enseigné que la couleur n’a pas d’importance. Mettre l’accent sur la couleur de peau est une forme de faiblesse, me disait-il. Il faut toujours répondre au racisme avec humanité, car ce n’est que de cette manière que l’on peut prouver sa supériorité. Ma mère aussi était une femme fortement engagée. Elle a été la première Sénégalaise à se battre pour que l’enseignement soit dispensé dans la langue du pays afin d’augmenter le taux d’alphabétisation. L’éducation est également l’un des principaux instruments de l’émancipation pour la Plateforme des Communautés Africaines. Les enfants d’immigrants ont souvent de faibles résultats à l’école, mais il est absurde de penser que toutes les personnes d’origine étrangère sont moins douées !» «J’espère que dans 15 ans nous ne parlerons plus de communautés, que les gens participeront pleinement à notre société, indépendamment de leur origine. Mais d’abord, nous devons augmenter l’accès aux outils de l’égalité des chances. Donner une voiture rapide à quelqu’un qui ne sait pas conduire n’a aucun sens. Je rêve d’un plus grand nombre de politiciens africains, d’artistes africains populaires, d’un programme de cuisine avec un cuisinier noir, d’un porte-parole de la police noir ou d’un présentateur de JT noir sans que cela ne constitue un événement en soi. Nous n’y sommes pas encore, mais je vois déjà des signes d’espoir !»

Témoignage

Olivia U. Rutazibwa, politologue et journaliste pour MO* Magazine

«Omar Bâ est infatigable. Son énergie et sa passion proviennent d’une conscience historique et actuelle de la valeur du peuple africain. Il a également une connaissance inépuisable, qui inspire les gens autour de lui et alimente leur soif de connaissances. Il sait mieux que quiconque transmettre cette connaissance aux gens ordinaires. Omar n’a jamais la langue de bois, peu importe son opposant. Il défend la valeur et la fierté des gens tels qu’ils sont, avec leurs croyances, leurs coutumes, leur histoire et leurs visions.»

Fauzoua Talhaoui, chercheuse scientifique et sénatrice

«Nos chemins se croisent souvent dans les débats et autres forums. Omar a une vision unique qu’il défend avec passion. Cependant, vous ne le trouverez pas de si tôt sur une liste politique. Peut-être est-il un rien trop anarchique pour cela… Ou plutôt politiquement neutre. C’est un véritable idéaliste, il veut tout faire en même temps et n’aime pas dire non. Il est également très instruit et connaît ses classiques. Un homo universalis : vous ne pouvez pas le cantonner à une seule tâche.»

Gert Van Overloop, directeur de Arenbergschouwburg (Anvers)

«Nous nous sommes rencontrés lors des concerts 01.10 organisés par Tom Barman et compagnies. Omar est une personne très ouverte qui comprend tant les sensibilités occidentales, d’Afrique noire ou des communautés maghrébines. Il transcende les différences. Comme il a un énorme réseau, réparti sur diverses collectivités, il est l’interlocuteur idéal pour tous.»

Plate-forme des Communautés Africaines

La Plate-forme des Communautés Africaines est une fédé­ ration socioculturelle de 104 associations africaines noires en Flandre et à Bruxelles. Elle représente les intérêts de la communauté africaine à travers le dialogue et veut contribuer à une société meilleure. Elle est l’interlocutrice privilégiée des institutions flamandes sur des thèmes tels que la pauvreté, l’éducation et l’égalité des chances. Elle participe également activement à l’éducation au développement: lutte contre les préjugés et émancipation.

Info: www.afrikaansplatform.be

Bio

1974

Naît à Lierre (Belgique)

1978

Déménage au Sénégal puis suit l’enseignement primaire en Mauritanie

1985

Déménage à Paris. Il y étudiera l’Histoire

1994

S’installe en Belgique. Suit des formations techniques complémentaires et travaille

1995

Séjourne brièvement au Danemark, en Italie, en Espagne, au Sénégal et au Mali

2006

Est membre du conseil de Kif Kif (mouvement interculturel qui se bat pour l’égalité et contre le racisme)

2007-2009

Coordinateur de Vilacabral Anvers (initiative 11-11-11 : activités Nord-Sud en dehors des circuits classiques)

2010-2011

Expert aux Tables rondes de l’Interculturalité

2011

Coordinateur de la Plateforme des Communautés Africaines

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