Lorsque j’étais adolescent, un fait m’a particulièrement marqué. Un matin, comme d’habitude, je suis allé avec l’un de mes frères chercher notre argent de poche chez notre père qui, ce jour-là, était en compagnie de l’un de ses grands frères. Ce dernier était étonné de la somme qui nous avait été remise, car il estimait qu’elle était importante. Il a alors suggéré à mon père de faire un petit calcul afin de savoir ce qu’il dépensait en une année, simplement pour notre argent de poche. Il lui a aussi demandé ce que nous étions en mesure de lui apporter pour qu’il s’autorise à débourser une telle somme. C’est depuis cette date que j’ai refusé de recevoir de l’argent de poche de mon père. Ce fut un déclic, car j’ai décidé de prendre mon destin en main, de me battre, de penser par moi-même, d’agir, d’oser, d’aller conquérir pour me réaliser. C’est là que j’ai pris conscience de la nécessité pour chacun, et particulièrement pour moi-même, de croire en soi. J’ai commencé l’école à l’âge de 10 ans. L’école était à 3 km de ma maison. Suite à l’affaire de l’argent de poche, j’ai demandé à ma mère de nous préparer dorénavant des repas que nous mangerions avant de quitter la maison et qui me servirait aussi pour toute la journée. J’ai fait à ma mère la promesse que, avec son soutien, je serai toujours le meilleur de ma classe. La révolution marxiste-léniniste, que le Bénin a connue dans les années 70 et 80, a aussi contribué à la construction de mon identité : comme aux autres jeunes de l’époque, elle m’a insufflé le goût du militantisme. Cet esprit de combat se traduisait chez moi par un rêve : être médecin et fabriquer des médicaments. Aussi, en 5ème année du collège, j’ai choisi de m’orienter vers la section de pharmacopée. Une option logique, car mon père m’avait appris à utiliser les plantes médicinales. J’étais très content de savoir qu’on pouvait se soigner lorsqu’on était malade en prenant telle ou telle autre plante. J’avais aussi l’idée de faire les choses par moi-même. C’est cela qui m’a conduit jusqu’à aujourd’hui. Car en observant mon environnement, j’ai compris qu’il fallait résoudre des problèmes. Api-Palu L’enjeu qui m’a d’emblée paru le plus important s’est imposé à la suite d’un constat alarmant: l’Afrique meurt du paludisme. Chaque année, il fait près de deux millions de morts, et chaque jour, 3.000 enfants de moins de 5 ans en meurent. Je compare ce fléau à une catastrophe aérienne, qui ferait tomber par jour plusieurs avions en Afrique. J’y ai réfléchi afin de réagir et de trouver une solution, d’où Api-Palu, une solution efficace contre le paludisme. Mais derrière cela, il y avait l’enjeu de permettre aux gens d’avoir accès aux médicaments fabriqués par eux-mêmes sur leur territoire, au lieu de toujours se contenter de ceux qui sont importés comme c’est le cas jusqu’à maintenant. Ces médicaments coûtent trop cher aux Béninois et aux Africains. Ainsi, un problème de santé est désormais résolu et surtout, la production locale est promue, ouvrant un horizon d’emplois aux jeunes. Grâce à cela, les Africains sont fiers d’avoir trouvé une solution pour eux, chez eux. Donc, il s’agit de rendre aussi leur fierté aux Africains, qui sont bloqués par la peur. L’Afrique a peur, elle a peur d’elle-même. Pendant des siècles, il a été dit aux Africains qu’ils n’étaient pas capables d’être eux-mêmes, de prendre en main leur propre destin. On a aussi blanchi la recherche, on a rendu “blanche” l’invention. Ainsi, l’image s’est imposée selon laquelle il n’y avait que les Blancs qui pouvaient créer, inventer et breveter. Je dis non! Ce n’est pas une question de couleur de peau. Je dis qu’il faut briser les chaînes de la peur, car il n’existe pas de culture de l’audace ici. On a peur de faire un grand pas, de sauter dans l’inconnu et de vouloir ce qu’on n’a pas encore. Or, cette audace favorise un développement plus durable, pensé de l’intérieur et non de l’extérieur. L’audace est un défi pour les Africains. Nous sortirons de la dépendance de l’extérieur qui pense et agit pour nous. Nous cesserons alors de vivre par procuration. Nous allons non seulement résoudre nos problèmes, mais nous pourrons aussi donner une autre image de l’identité de l’Africain: l’homme fier de lui-même et égal aux autres. La première émission de la radio communautaire FM Orè-Ofè de Tchetti a été diffusée en juillet 1999 à l’initiative de Lambert Dogo. Quelques années plus tard, en septembre 2005, le Club des amis de la radio (Car) a été lancé. La radio, installée à Savalou, unit deux communautés locales rivalisantes. Elle couvre la ville de Savalou ainsi que sa région.Savoirs du Sud
Valentin Agon : Oser l’audace!
Au Bénin, Valentin Agon a inventé Api-Palu, un antipaludéen d’origine naturelle grâce auquel il a trouvé une solution locale à un problème local.
«Prendre en main mon destin»
Ma porte d’entrée
«Briser les chaînes de la peur»
Des principes pour la jeunesse
Grâce à Api-Palu, je finance à la télévision nationale du Bénin une émission dont la diffusion seule coûte près de 2.000 € par mois. Elle permet d’encourager la jeunesse béninoise, celle de l’Afrique et du monde, à laquelle j’enseigne 5 principes, dont ceuxci: un jeune qui veut être un vainqueur doit avoir une vision claire de sa mission. Un autre principe enseigne qu’il ne faut jamais se relâcher, parce que celui qui se relâche est un lâche, parce qu’un gagneur ne lâche jamais et un lâcheur ne gagne jamais. J’encourage la jeunesse à la réalisation de l’homme africain en lui donnant 5 dimensions, que voici: “JE SUIS”, “J’AI”, “JE VEUX”, “JE PEUX” et “J’AGIS”. Depuis 2008 que j’enseigne ces principes et ces dimensions, je vois les gens changer de regard sur leur propre vie. Ils sont très nombreux à se dire : «J’ai repris confiance en moi et je peux maintenant». La conscience de ces principes et de ces dimensions doit brûler en chacun de ces jeunes, pour qu’ils puissent prendre en main leur destin. Autour de moi… et pour l’avenir Ceux qui travaillent avec moi au sein d’ApiBénin sont de potentiels développeurs et entrepreneurs que je forme. Chacun d’eux a et doit avoir un projet d’entreprise. S’ils décident de me quitter un jour, ils pourront alors créer leur entreprise. Le développeur est un entrepreneur et les entrepreneurs sont les champions de ce monde. Aujourd’hui, mes actions sont limitées au Bénin et quelques projets sont menés dans les autres pays. Je voudrais, par exemple, trouver des gens pour créer avec moi une chaîne de télévision axée sur la santé et sur le développement. Je veux que les gens cessent de penser que la politique est le seul moyen pour réussir. C’est par le développement de soi-même qu’on réussit.
Le projet
Valentin Agon: Oser l’audace!
Posted on 15 October 2015 in n'GO Blog, News, Savoir du Sud, Wivine Hynderick