Aujourd’hui, à l’heure des indignés et du printemps arabe, faire le choix de politiques qui épousent les valeurs de l’économie sociale et solidaire fait partie des solutions appropriées pour répondre aux demandes de la population , lance Abdeljalil Cherkaoui dans un discours bien rôdé mais toujours empreint de passion. Il connaît le sujet sur le bout des doigts. Le concept théorique l’enchante. Sa mise en pratique, presque, le hante. Car les défis sont nombreux, à commencer par la question de la participation. Il faut amorcer la participation à la fois au niveau des citoyens, qui doivent devenir une véritable force de propositions, et aussi au niveau des décideurs, qui doivent se préparer à capter ces propositions. Pour cela, on a besoin d’espaces de réflexions entre le public et l’associatif, car l’un ne peut pas vivre sans l’autre. C’est l’un des objectifs du REMESS (Réseau Marocain d’Economie Sociale et Solidaire), qu’il a créé en 2006 dans la foulée du forum social de Porto Alegre. Le réseau a également vocation à former et à informer la population où tous n’ont pas les moyens ou les capacités de se faire entendre. Or, dans l’idéal, l’homme doit être à la fois source et centre du débat. Il faut donc des arrière-boutiques qui préparent le potentiel de la société civile afin que celle-ci puisse formuler des idées en connaissance de cause. Un accompagnement des gens moins visibles sur le terrain est donc primordial. Il faut aller chercher les gens là où ils se trouvent, au niveau local et pas uniquement dans le centre des grandes villes. La force de cet homme, amoureux de son pays et de sa culture, est sa grande connaissance des réalités du terrain. Par les différents postes que j’ai occupés, j’ai été appelé à « vivre le territoire ». Dans les années 70, j’étais responsable d’une enquête sur la malnutrition pour laquelle 1 500 familles ont été interrogées aux quatre coins du Maroc. Ça a été pour moi une grande école qui m’a permis d’approcher et de comprendre la réalité sociale. Il a poursuivi son chemin au ministère en charge de l’artisanat. Il y passe plusieurs années à inciter certains corps de métier à changer leurs pratiques afin de limiter les pollutions et les risques de maladies professionnelles. Il en tire une nouvelle leçon : l’humain est tout à fait prêt à évoluer mais il a des freins à l’intérieur. La meilleure façon de faire le développement, c’est de savoir comment atténuer ces freins-là. Pour y arriver, il faut beaucoup d’humilité et d’écoute. On doit savoir pourquoi les gens agissent de telle ou telle manière avant de pouvoir commencer le travail d’accompagnement. à partir de là, tout devient possible. Le raisonnement est limpide : être à l’écoute de chaque individu pour trouver la solution qui lui convient. Cela exige beaucoup de temps et de patience mais heureusement il n’est pas seul… Aujourd’hui à la tête de l’Entraide Nationale, Abdeljalil Cherkaoui a un emploi du temps des plus chargé. Il enchaîne réunions et visites sur le terrain. Que ce soit avec un ministre, un partenaire ou un simple citoyen, il reste le même homme : toujours disponible, toujours en quête de solutions, jamais fermé à de nouvelles idées. Son approche tranche avec celle de ses prédécesseurs et, plus globalement, avec celle du fonctionnement hiérarchique au Maroc. J’essaie de minimiser l’importance de la hiérarchie. Je suis entouré de plus d’une centaine de proches collaborateurs avec lesquels j’échange beaucoup pour faire évoluer les messages que nous diffusons. Je suis très heureux de constater que les idées que j’ai initiées s’ancrent petit à petit dans l’organisation mais aussi que certains développent et remettent en question ces idées. Par cet aller-retour entre les points de vue, on construit ensemble unautre background. Cela participe à la redé- finition de la vision de l’Entraide Nationale, un point sur lequel il a mis l’accent dès son arrivée. Il a d’abord su rediriger tous les regards dans la même direction, mettant en avant la cohérence entre les projets et le sens profond de leurs missions. Aujourd’hui, un projet de repositionnement est à l’étude. Avec l’aide d’experts, l’action de l’Entraide sera évaluée et pourrait prendre d’autres orientations. Un processus qui, pour lui, doit se dérouler sans tabous! Malgré le rôle clé qu’il joue, l’homme ne se considère pas comme un leader mais plutôt comme un rassembleur. Pour lui, le développement est l’affaire de tous : l’important est de rassembler un maximum de gens qui ont une parole percutante, c’est-à-dire capable de se faire entendre à tous les niveaux. Dans cette optique, la presse et les jeunes constituent des relais précieux dans la diffusion des principes de l’économie sociale et solidaire. D’autant que la nouvelle génération de politiciens semble prête à accueillir des alternatives concrètes en cette période de crise. Ce moment de crise est important, car il peut nous permettre d’attirer de plus en plus d’adhérents à nos valeurs démocratiques et à notre vision du partage. Abdeljalil Cherkaoui est serein. Il sent que le vent tourne dans le bon sens. Son combat sera encore long, mais il avance. Directeur de l’Entraide Nationale du Maroc, Abdeljalil Cherkaoui poursuit son combat pour le développement local. Depuis plus de 35 ans, il met ses talents et sa persévérance au profit des plus démunis. « Abdeljalil Cherkaoui inspire confiance et fait preuve d’une grande sincérité dans l’engagement. En un mot, c’est un homme de parole. Grand travailleur, il déteste la médiocrité ; très cultivé, il est nanti d’une grande expertise en développement. » « D’une grande modestie, Abdeljalil Cherkaoui peut boire le thé avec le gardien du coin juste après une réunion ministérielle. Il fait preuve de bon sens dans les situations les plus complexes ce qui lui a valu de la part de ses collaborateursle titre d’ “homme des situations difficiles”. » « Il répond toujours présent et prêt à s’engager dans de nouvelles entreprises structurantes dans le domaine socio-économique (Action Sociale et Economie Sociale). Il est porteur d’une culture d’écoute active des citoyens pour les assister ou les accompagner dignement. » « Il est pour moi comme pour comme pour beaucoup de ses amis un coach ou un mentor. À chaque fois que je le consulte pour une problématique au sein de mon entreprise, il a l’art et la manière de m’accompagner pour trouver la meilleure solution pour rebondir. Un homme de valeurs, un militant associatif et un dévoué à la cause de l’équité sociale. » Dernière réalisation en date, l’Institut Panafricain de Développement Afrique du Nord (IPD-AN) à Salé. L’Institut se définit comme un lieu de formation, de conseil et d’accompagnement pour des petits producteurs et commerçants du secteur formel et informel. La structure, à mi-chemin entre le milieu académique et le savoir-faire local, entend capitaliser, relayer et développer les bonnes pratiques de développement participatif. Naissance à Meknès Diplômé de l’Institut Supérieur de Nutrition de Tunis Début de carrière au Ministère des Affaires Sociales DESS en Gestion de Projet à l’Université de Lille (PNAP) Crée le Réseau Marocain d’Economie Sociale et Solidaire (REMESS) Devient Directeur de l’Entraide Nationale du MarocPortrait
Abdeljalil Cherkaoui. Une vie à la recherche d’une dignité pour tous
L’économie sociale et solidaire, il l’a dans le sang. Le côté solidaire lui vient de son enfance. A la médina de Meknès, il s’en souvient, le partage était roi. Pas de riches, pas de pauvres mais simplement une communauté qui se soutient. La solidarité, après l’avoir observée et expérimentée durant des années, il y croit plus que tout. Le côté social est venu plus tard, au fil de sa carrière. Une carrière qu’il entame (est-ce un hasard ?) au ministère des Affaires sociales… Depuis, il a jonglé entre le monde associatif et la sphère publique sans jamais se déconnecter du niveau local.
La participation au cœur
Etre à l’écoute
Du changement dans l’air
Une parole percutante
Abdeljalil Cherkaoui
Témoignage
Emmanuel Kamdem, Secrétaire Général de l’Institut Panafricain pour le Développement (IPD) à Genève
Mohammed Bellaouchi, météorologue marocain
Ahmed Ait Haddout, Président du REMESS
Abdelouahed Jambari, Entrepreneur et acteur associatif
Le projet
Bio
1953
1978
1992
2006
2011