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comment faire pour…

Remotiver un collègue découragé

Mais c’est qu’on les secouerait bien ceux-là. Manque d’énergie, découragement, soupirs récurrents… c’est qu’ils vous enlèveraient votre énergie ou saboteraient vos projets à force de se comporter comme des lavettes. Vu d’ici, on dirait de la déprime. Mais est-ce bien cela ? Et y a-t-il moyen de faire sortir cette personne de cet état de découragement ? Petit tour au pays du stress.

Vous vous souvenez sûrement de lui…  Mon oncle d’Amérique d’Alain Resnais ? Non ? Pourtant, il était derrière. Lui, c’est Henri Laborit, médecin, neurobiologiste, pionnier des théories de la complexité et de la systémique, l’auteur de l’Éloge de la fuite. Un génie scientifique. On lui doit l’hibernation artificielle, le premier neuroleptique, mais aussi de grandes avancées sur la connaissance du stress. Pour faire simple, à force d’observation des animaux – il était aussi éthologue – et des humains, il est parvenu à identifier trois états de stress : la fuite, la lutte et l’inhibition (1). Trois types de comportement censés améliorer nos chances de survie en cas de danger. Lorsqu’un réel danger se manifeste, il a constaté que le cerveau adopte instinctivement une solution basique : prendre la poudre d’escampette (la fuite), montrer de gros biscotos pour décourager l’agresseur (la lutte), ou jouer la carpette en espérant que le danger passe (l’inhibition).

Inhibition = paralysie

Si ces stratégies fonctionnent dans le monde animal, elles fonctionnent aussi pour les êtres humains. Hélas, les humains ne se contentent pas d’avoir du stress pour des raisons objectives de survie – une voiture qui brûle un feu rouge et qui va vous emboutir –, mais aussi pour des raisons qui, elles, n’ont rien à voir avec la survie immédiate : une mission impossible à remplir en 24h, un collègue qui nous engueule, un contrôle fiscal, un collègue brillant qui vous fait passer pour un nul, un autre collègue dont l’humour caustique vous pousse à vous réfugier en-dessous de votre bureau, un patron qui ne vous donne pas les moyens de réussir un projet, un vol qui réduit à néant deux ans d’efforts sur un projet, etc. Si la réaction à ces stress peut varier d’une personne à l’autre, certaines seront affectées en s’abstenant de réagir, en étant paralysées, en développant de l’anxiété, en étant découragées… Henri Laborit diagnostique alors un état de stress d’inhibition. Pour le dire autrement, comme dans le monde animal où l’immobilité vous offre une bonne garantie de ne pas être vu, l’individu se retient d’agir en diminuant son niveau d’activité et va souvent plus loin en devenant immobile (voir définition). Les pfff et le découragement sont l’expression du stress d’inhibition, l’une des formes de stress les plus difficiles à identifier, sauf lorsque larmes et sanglots sont au rendez-vous. Rien à voir avec la colère ou l’énervement, bien visibles, ou avec la fuite qui l’est presque tout autant. Il est bien plus insidieux. Il se marque par un manque d’énergie que l’on pourrait attribuer à des tonnes d’autres raisons : manque de soleil ou de sommeil pour les uns, surpoids ou absence d’activité physique pour les autres… Et la liste est encore longue.

Stress ou déprime ?

Mais à bien y regarder, les symptômes du stress d’inhibition sont bien ceux d’une déprime (voir encadré). À une différence majeure près. La déprime ou pire, la dépression, sont des états permanents et durables dans lesquels la personne est plongée. Le stress est normalement passager, varie de quelques nanosecondes à plusieurs heures, mais il est possible d’en sortir. Par conséquent, si la personne ne présente pas en permanence les signes du découragement, mais qu’au contraire, elle est capable d’énergie, de sourire, de calme, de prendre sa place dans une discussion, il s’agit d’un stress passager. L’avantage du stress, c’est qu’une réponse adéquate peut y mettre rapidement un terme et relancer la mécanique. Ce qui n’est pas le cas d’une dépression.

(1) C’est à partir du modèle de l’inhibition de l’action de Laborit qu’est construit cet article. Les trois états de l’instinct ont trouvé confirmation chez les neuroscientifiques mais le sujet est loin d’être clos sur les mécanismes d’action à l’œuvre dans le cerveau, notamment ceux concernant d’inhibition.

Les symptômes du stress d’inhibition

Signes physiologiques

  • Sensation de fatigue
  • Sensibilité accrue à la douleur
  • Teint pâle
  • Oppression thoracique

Signes micro-comportementaux

  • Soupirs
  • Voix basse, tombante, inaudible
  • Regard bas, abaissé
  • Dos voûté, arrondi
  • Traits tombants

Vécu interne de la personne

  • Sensation d’infériorité, auto-dévalorisation
  • Besoin de reconnaissance affective
  • Recherche de soutien, de protection
  • Soumission spontanée à l’autorité
  • Diminution des désirs et des plaisirs

Ces symptômes peuvent être cumulés.

 

Comment interagir avec le stress d’inhibition ?

1

Comprendre le message

Il ne cherche pas du tout à ce qu’on l’encourage à en sortir seul. S’il baisse les bras, s’il soupire, c’est qu’il a tout simplement envie de dire : « Aidez-moi ! Je ne me sens pas à la hauteur ». Il cherche de l’empathie, de la protection, un soutien affectif. Pas à être secoué. Vouloir le bousculer aboutit au contraire à une réaction d’effondrement encore plus marquée qui peut aller jusqu’aux larmes.

2

Evitez le réflexe habituel

Quand quelqu’un a un coup de barre, les phrases du type : « Allez courage, redresse-toi ! », « Tu peux y arriver ! » ou encore « Mais secoue-toi, bon sang ! » sortent facilement. En disant cela, vous rajoutez une couche de stress, car ce n’est pas du tout la demande implicite de quelqu’un qui est en stress d’inhibition.

3

Le sortir de l’état de stress

Une fois compris l’appel à l’aide déguisé, il faut tout d’abord faire sortir la personne de son état de stress et donc répondre, sans s’y complaire, à la demande de soutien affectif. Pour un enfant, on parlerait de le consoler. Pour un adulte, un peu de patience, un rien d’écoute, quelques compliments sur la valeur humaine de la personne, une attitude « copain » ou un petit coup de main ont en général un effet quasi immédiat. Évitez de vanter les capacités intellectuelles ou d’action car c’est en général de ce côté que vient le problème et la personne en est bien consciente… En quelques minutes, s’il ne s’agit pas d’un état dépressif, il est possible de sortir une personne de son état de stress.

4

S’attaquer aux causes structurelles

La personne redevient alors un interlocuteur en pleine possession de ses capacités. Si on ne veut pas le voir retomber dans le même schéma, lorsqu’elle est revenue à un état de calme, il y a intérêt à analyser clairement et objectivement ce qui la met dans cet état et y apporter des réponses.

Ce qu’en dit le Larousse

Inhibition : Absence ou diminution d’un comportement qui, dans une autre situation semblable, avait été présent ou plus fort.

Pour aller plus loin

L’inhibition de l’Action

Biologie comportementale et de physiopathologie de Henri Laborit, Ed. Masson et Presses Universitaires de Montréal (1980) (plus complexe)

La légende des comportements Ed. Flammarion (1994) (plus simple)

Pour un aperçu des comportements liés au stress (fuite, lutte, inhibition).

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