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Enquête ONG. Episode 5

ONG : plus grande la taille, plus difficile la relation…

L’ancienneté a-t-elle une influence sur les choix des répondants ? L’appartenance sexuelle implique-t-elle des priorités différentes ? Y a-t-il des distinctions à faire entre ceux qui ont une longue expérience dans un pays du Sud et ceux qui n’en ont pas ? Autant de questions qui ont guidé notre recherche de croisements (voir encadré ci-dessous). La taille de notre échantillon laisse cependant une trop grande place au hasard pour pouvoir répondre à toutes nos interrogations. Tout ça pour ça ? Non. De ces croisements, quelques pistes intéressantes émergent.

La première est qu’au sein des répondants, les hommes accordent plus d’importance aux compétences opérationnelles des partenaires du Sud que les femmes. Un indice pour expliquer ce distinguo ? Au sein de l’échantillon, les femmes interviewées occupent des postes plus liés aux ressources humaines puisque étonnamment, tous les DRH interviewés étaient des femmes. Faut-il y voir une part de l’explication ? Impossible de répondre avec certitude, mais l’hypothèse est intéressante.

La seconde piste est la taille des ONG (voir graphique 1). Elle distingue d’une part les petites ONG (10 collaborateurs ou moins) et les plus grandes (plus de 10 employés). Où résident les différences ? Essentiellement dans l’approche des partenaires du Sud. à la question « Citez les disciplines que vous mobilisez dans le cadre de vos activités? », les plus grandes ONG ont une plus grande propension à citer des disciplines techniques utilisées pour la planification et/ou l’exécution des projets. Les plus petites ONG, par contre, ont tendance à les sous-mentionner. Cette spécificité est par ailleurs appuyée par une autre corrélation : les plus grandes ONG accordent proportionnellement plus d’importance aux compétences opérationnelles (qui comprennent les connaissances techniques) des partenaires. Mais qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Est-ce le signe que les plus grandes ONG ont acquis une forte maîtrise technique et ont donc un degré d’exigence plus élevé ? Ou que les petites ONG abordent leurs interventions de manière plus holistique, les disciplines techniques se noyant parmi d’autres ? Doit-on y voir une force ou une faiblesse ? Le débat est ouvert.

Processus vs relation ?

Deuxième différence marquante, les petites ONG citent moins souvent les problèmes de relation comme obstacles à la coopération avec les partenaires au Sud. à l’inverse, les plus grandes ONG les incriminent plus fréquemment. Il existe donc un lien, statistiquement du moins, entre la taille de l’ONG et la facilité à entretenir une relation de qualité avec ses partenaires. Ce constat peut mener à diverses suppositions. Pour les petites ONG, la relation est-elle facilitée par le fait que les interlocuteurs sont de tailles égales et que la relation se fait dès lors plus sur un pied d’égalité ? Peut-on en déduire que les petites associations, reposant sur des individus plutôt que sur des systèmes, s’autorisent plus de souplesse dans l’établissement d’une relation ? Doit-on y voir un investissement plus important des petites structures dans la construction d’une relation de confiance ?

Enfin, la taille n’est pas déterminante pour prédire qu’une ONG offrira plus ou moins de formations sur le savoir-être en interne. De toute façon, peu le font. Par contre, les petites ONG se concentrent particulièrement sur les contenus qui visent à renforcer la qualité des projets, tandis que les grandes ont un biais favorable pour des contenus qui touchent à la communication (ex. : TIC et communication vers le grand public). C’est comme s’il existait un seuil au-delà duquel les ONG se lancent dans des formations axées sur la communication. Ce qui semble indiquer que les petites ONG se concentrent sur les fondamentaux alors que les plus grandes, déjà bien équipées, se permettent de prêter plus d’attention à la diffusion de leurs messages. Ce n’est qu’une hypothèse.

Mode d’emploi du X2 (chi carré)

Le test Χ² établit la présence d’une relation (attraction ou répulsion) entre deux variables. Sa principale contrainte est que les échantillons croisés doivent être de taille suffisamment importante, ce qui est rarement le cas dans une enquête dont le nombre de répondants n’est que de 94.

En d’autres termes, un plus grand échantillon, nous aurait permis de dénicher un plus grand nombre de corrélation. Nous travaillons avec une marge d’erreur de 5%, ce qui est une valeur usuelle.

 

Is small beautiful ?

Pierre_BielandeLa taille des ONG est d’actualité dans cette période de refonte de l’administration et, par voie de conséquence, du secteur des ONG. Une petite taille est trop souvent liée à un manque de professionnalisme. Ce préjugé mérite que l’on questionne ce concept de « professionnalisation » ? 

Se base-t-il sur des processus d’intervention et la mesure factuelle de leurs impacts ? Intègre-t-il la mesure des changements sociaux provoqués par les interventions des ONG, en ce compris les changements durables ? Ou les deux ?

Ne tombons pas dans les simplismes. Constatons seulement que pour n’importe quelle structure, grandir implique la mise en place de procédures, de processus. Sans cela, point de salut. Le hic est que les processus ne captent qu’une faible partie de l’information échangée. Environ 30%, selon les spécialistes de la complexité tel que Marc Halévy (1). Les 70% restants sont de l’échange informel. Notre hypothèse est que la qualité relationnelle se cache dans cette part informelle de l’échange… L’enquête revèle que les petites ONG dissocient moins aspects techniques et humains. Un atout qui leur offre plus de fluidité. Alors à quand une approche réunissant le meilleur des deux mondes ?

 

(1) Conférencier, expert et auteur, Marc Halévy a travaillé avec Ilya Prigogine pendant près de 10 ans. Il est l’auteur de plusieurs livres sur la mutation des sociétés et la complexité.

 

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