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Yasmina El Alaoui : construire sur les talents

Savoirs du Sud

Yasmina El Alaoui : construire sur les talents

 

La plupart du temps, on mène des projets en Afrique en regardant ou en considérant ce qui ne va pas, ce qu’il semble manquer, ou ce qu’il faut changer dans les mentalités pour obtenir des changements de comportement en accord avec le monde moderne et certains indicateurs. Mais pourquoi ne pas le voir autrement ? Et si nous partions plutôt des talents pour créer du développement ?

C’est dans cet esprit que travaille l’équipe de la MJCA, une maison de quartier de Ouagadougou dont je coordonne l’activité. Si on veut du développement, il faut partir des gens et de leurs talents, sans s’arrêter aux contextes non favorables. Ils ont des aspirations, une histoire, des souffrances aussi… Mais, avant tout, chaque personne porte en elle un énorme potentiel. Comment le valoriser et le mettre en action ?

L’équipe de la MJCA est composée d’une vingtaine d’animateurs, salariés ou bénévoles, issus du quartier et mobilisés sur leur vision communautaire et leur désir de progresser. Pour permettre à chacun d’évoluer, l’association a investi dans le renforcement des compétences. Au niveau collectif, il est facile et efficace d’organiser des formations. Au niveau individuel, l’approche est plus complexe. En effet, comment permettre à chacun de trouver sa place et de s’approprier le projet ?

Pas d’exécution

Il faut veiller à une bonne circulation des informations et des idées. Chaque semaine, l’équipe se réunit pour que chacun soit au courant des activités menées et participe à leur élaboration et à leur évaluation. Chacun à l’occasion de s’affirmer au sein de l’équipe, ce qui augmente la confiance en soi. Tous les deux ans, j’organise une évaluation via un questionnaire d’amélioration. Il donne lieu, par la suite, à une discussion sur les compétences, sur le développement professionnel et personnel, sur l’évolution de la structure dans les prochaines années. C’est l’occasion de laisser les employés prendre des initiatives dans les domaines qui leur tiennent à cœur. Par exemple, il y a deux ans, Honorine a conclu notre entretien en disant qu’il fallait commencer un programme d’alphabétisation des femmes. Je lui ai demandé de m’expliquer pourquoi elle voulait le faire et lui ai proposé de préparer elle-même le projet. En fait, ce projet faisait déjà partie des plans pour les années à venir. Mais si je lui avais demandé de l’organiser, nous aurions été dans une démarche d’exécution. Ici, on est plutôt dans une démarche de gagnant-gagnant: à la fois la structure et la personne sont renforcées.

Partir des motivations profondes

Le fait qu’un projet prenne forme sur base d’une véritable motivation personnelle a des répercussions très bénéfiques. Cela éveille d’autres motivations. Les ateliers d’alphabétisation en témoignent. Prenant confiance en elles, les femmes participant à ce programme ne se sont pas arrêtées là ! Elles ont mis en place une troupe de théâtre pour sensibiliser les enfants à l’importance de l’école et elles ont créé une équipe de foot où elles s’entrainent chaque dimanche. Les sorties à l’extérieur du quartier (spectacles, visites, etc.) leur ont permis par ailleurs de s’ouvrir à d’autres réalités. Les femmes ont gagné en autonomie (lire un numéro de téléphone, gérer leur budget, proposer de nouvelles activités…). Cet épanouissement a eu un impact positif direct sur le foyer. Les maris ne pensaient pas que leur femme pouvait faire des études. Les bancs étaient réservés pour les jeunes et les enfants. L’affirmation des femmes a permis que les maris les estiment davantage, contribuant à une meilleure communication et entente au sein du foyer.

L’épanouissement, la confiance en soi et un cadre d’expression constituent l’une des bases pour impulser le changement social. Cela demande une certaine forme de lâcher-prise : croire en l’autre, l’appuyer sans se substituer est un des éléments essentiels pour la bonne marche des projets. A la MJCA, nous nous appuyons dans un premier temps sur les qualités, la découverte de soi, le désir d’avancer dans le cadre d’une interaction. Par la suite, le fait de progresser permettra à chacun de prendre confiance en soi et de pouvoir contribuer à l’amélioration de ses conditions de vie.

Pour pouvoir appuyer ce changement, il faut s’inscrire dans un vrai partage. Il ne s’agit pas uniquement d’écoute. Il s’agit avant tout de s’insérer dans le tissu social dans lequel on évolue et de s’impliquer dans la relation humaine.

« Croire en l’autre, l’appuyer sans se substituer est un des éléments essentiels pour la bonne marche des projets. »

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