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Enquête ONG. Episode 3

Pas simple, la relation avec le partenaire du Sud

Qu’est-ce qui décide une ONG à préférer un partenaire plutôt qu’un autre ?

Serrer la mainQuatre critères ont été spontanément cités :

1) le partenaire doit travailler sur la même thématique que l’ONG du Nord,

2) il doit être ancré auprès des bénéficiaires,

3) il doit pouvoir démontrer sa fiabilité par des réalisations antérieures concrètes et

4) sa vision doit être proche de celle de l’ONG du Nord.

Ces quatre éléments constituent la règle d’or actuelle.

Parmi les réponses à la question fermée (voir graphique 1), la réflexion et la vision commune partagent le haut du tableau avec l’exigence de transparence. Tout en bas de classement, l’intuition influence peu le processus décisionnel. Compréhensible lorsqu’on voit le cadre dans lequel se conclut une convention agréée par la DGD. Plus étonnante est la place de la stratégie de sortie qui n’entre pas vraiment dans les priorités alors que la plupart des bailleurs mettent de plus en plus l’accent sur cet aspect de la collaboration.

La relation : îlot de messages contradictoires

Une enquête n’est pas l’autre. Dans l’Evaluation des partenariats des ONG orientés vers le renforcement de capacités, il apparaissait que  « la qualité de la relation entre les ONG du Nord et leurs partenaires dans le Sud est de manière générale considérée comme une composante importante d’une collaboration couronnée de succès » . Dans notre enquête, par contre, la relation entre les personnes n’occupe qu’une place moyenne lors du choix d’un partenaire. Curieux car lorsqu’on s’intéresse aux obstacles dans la collaboration, le relationnel, avec 31%, apparaît comme la première raison évoquée par les répondants (voir graphique 1). Manque de connaissance mutuelle, difficulté à communiquer ou mauvaise définition des rôles sont autant d’obstacles à une saine collaboration. La question se pose dès lors de savoir si l’apparition des problèmes relationnels n’est pas une simple conséquence de cette prise en considération très moyenne du critère relationnel lors du choix du partenaire ?

« Manque de connaissance mutuelle, difficulté à communiquer ou mauvaise définition des rôles sont autant d’obstacles à une saine collaboration. »

L’exécution du projet arrive en deuxième position des obstacles. De quels obstacles  parle-t-on ? D’un manque de compétences identifié chez le partenaire, du non respect des délais, d’un manque de moyens financiers… Ce qui représente un peu plus d’un quart des raisons évoquées (27,2%). Les divergences de vision apparaissent moins problématiques, probablement parce que ce critère est très important dans le processus de sélection du partenaire. Ces résultats semblent assez naturels : la pression, tant interne qu’externe, à fournir des résultats fait en sorte que tout ce qui a trait à l’exécution des projets est suivi avec grande attention. Et pour ce qui est du relationnel, c’est classiquement le point commun à tout dysfonctionnement non-objectivé, à toute problématique pour laquelle des solutions empiriques ont du mal à être identifiées. Ceci est accentué par le sentiment partagé par de nombreux répondants de ne pas avoir accès aux outils.

L’origine des obstacles dans la relation avec les partenaires du Sud est frappante (voir graphique 2) : dans seulement 3% des cas, les ONG s’incriminent comme cause unique d’obstacles alors que dans 50% des cas l’origine du problème se trouverait chez le partenaire ! Problème de gouvernance, conflits d’intérêts, détournement, manque de compétences, non-respect des priorités ou changement de planning unilatéral : lorsque la collaboration devient problématique les partenaires semblent cumuler les tares. Une fois encore, la relation amène avec elle son lot de difficultés.

Expats ou personnel local?

Quels sont les arguments que vous invoqueriez pour ne pas engager un expat ? Ou un local ? A la première question, l’argument qui ressort dans près de 40% des cas est qu’engager un expat est en contradiction avec l’idéologie de la coopération au développement.

À la deuxième question, et dans près de 50% des cas, les répondants évoquent la difficulté de trouver sur place une personne qui possède toutes les compétences requises pour mener un projet. En comparant les deux argumentations, qui ne sont en réalité que les deux faces de la même pièce, nous observons une tension entre le principe d’intervention (principal argument invoqué pour ne pas engager un expatrié) et efficacité opérationnelle (principal argument cité pour ne pas engager un local) : le poids idéologique challengé par la réalité opérationnelle.

Points cardinaux

Pierre_BielandeDeux choses interpellent dans ces résultats. La première est que lorsque la vie avec le partenaire n’est plus un long fleuve tranquille, les obstacles à la relation tournent, qu’on le veuille ou non, autour de valeurs clés d’une société occidentale… Pour le dire autrement et de manière un peu caricaturale, les gens du Sud, surtout s’ils sont issus d’une société dite traditionnelle, n’ont pas le même rapport au temps, à la mesure, à l’efficacité, au contrôle, au processus… que les Occidentaux. Il n’est dès lors pas étonnant que lorsque ça coince, le relationnel –inévitablement lié la différence culturelle –, devienne facteur explicatif. Le risque est alors réel de vouloir renforcer le partenaire sur ce que nous identifions comme des faiblesses. Mais, ces formes de renforcement s’articulant autour des valeurs déjà évoquées telles que l’efficacité… ne sont-elles pas tout simplement une manière déguisée de transmettre – certains diront d’imposer – les valeurs clés de l’Occident ? Vieux débat s’il en est, mais dont on comprend bien qu’il est inhérent au cadre actuel imposé par les bailleurs, lesquels tout en demandant aux bénéficiaires de choisir leur développement laissent peu de place à des alternatives radicalement différentes de celles envisagées par le modèle occidental. La deuxième chose est d’autant plus interpellante. Les ONG ne se sentent pas à l’origine des obstacles à la collaboration. « Le problème est ailleurs que chez nous… » pourrait-on traduire. Cette posture, vieille comme le monde, évite surtout de se remettre en cause dans la relation à « l’autre ».

« Les ONG ne se sentent pas à l’origine des obstacles à la collaboration. “Le problème est ailleurs que chez nous…” pourrait-on traduire. Cette posture, vieille comme le monde, évite surtout de se remettre en cause dans la relation à “l’autre”. »

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