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en lumière – La révolution de pierre à Madagascar
en lumière

La révolution de pierre à Madagascar

Noëline, lauréate Harubuntu 2013, a provoqué une petite révolution à Andoranomaitso, une commune de la Région Haute-Matsiatra de Madagascar. Dansant sur les pierres, elle a bousculé des croyances ancestrales, donné un nouveau souffle à l’économie locale et donné de l’emploi à 860 femmes. Elle livre son témoignage dans le discours qu’elle a prononcé à l’occasion de la clôture du « Festival dont vous êtes le héros », organisé sur le campus de Namur. Les étudiants l’ont élue héroïne.

« Je m’appelle Noëline, j’ai été lauréate Harubuntu en 2013. Harubuntu veut dire en Kirundi « A cet endroit, il y a de la valeur ». Je viens de Madagascar, dans une région du Sud : la Région Haute-Matsiatra, je vis dans une commune qui s’appelle Andoranomaitso. Je suis venue là après mon mariage. J’ai fait des études à l’université de Madagascar filière gestion option commerce et agro-industrie. La commune où je vis est enclavée c’est-à-dire qu’on a beaucoup de difficultés à aller en ville pour trouver la nourriture, pour les soins de santé pour que les enfants puissent aller à l’école et surtout pendant la saison des pluies. La communauté est très pauvre.

Je ressens tout de suite la volonté de trouver un projet générateur de revenus, de soustraire les femmes qui représentent les 2/3 de la communauté de la violence conjugale. Il faut savoir que ces femmes dépendent de leur mari, elles n’ont pas de travail et donc aucune indépendance économique. Alors que faire ? J’observe l’environnement. Dans ma commune, tout autour de nous se dressent d’immenses blocs de pierre comme poussés du sol. Et ça me donne l’idée qu’on peut peut-être exploiter ces pierres.

Il y a un obstacle : ces pierres pour les malgaches sont sacrées, la population croit que les esprits de leurs ancêtres reposent sur ces pierres. Il est donc interdit même de les toucher. Mais pour moi j’y vois la source d’un revenu possible. Un avenir pour ma communauté. Et je décide de m’attaquer à casser ce tabou.

J’ai commencé par faire du porte à porte pour récolter les avis de la population sur l’exploitation de ces grosses pierres. Ils résistent…la majorité me dit que je ne suis pas d’ici et donc je n’ai aucun droit de décision. Je persiste et petit à petit, j’arrive à me faire élire conseillère de la commune. Je deviens ensuite présidente d’un conseil de 7 personnes composé de 6 hommes. 3 d’entre eux me soutiennent dans ma volonté d’utiliser ces pierres comme facteurs économiques.

En faisant des annonces à la radio, j’invite les chefs de village, les notables et toute la population à venir me voir danser sur les pierres et si c’est contre la volonté des esprits que ces derniers me punissent.

Le jour J est arrivé, tout le monde répond à l’invitation, je monte sur les pierres et je mets à danser. (danse)…..Rien ne se produit ! Puis je dynamite la pierre. Rien ne se produit. Et petit à petit les gens approchent, touchent la pierre de leurs mains et se mettent à danser avec moi.

Pour être honnête, si je n’avais pas été conseillère, j’aurais pu me faire lapider ou s’ils avaient été cléments être rejetée de la communauté.

Maintenant que le tabou est brisé, je décide de casser ces grosses pierres d’en faire des cailloux. L’association « Fiombonantsoa » qui va démontrer que les pierres sont des facteurs de développement rural est née. Je passe une annonce à la radio pour trouver des acheteurs. Après une semaine, nous signons un premier contrat avec un entrepreneur qui construit une école en ville. Nous avons fait la fête cette nuit-là, je distribue l’argent à tous, même à ceux qui sont contre le projet.

 

Au début, nous étions 7 femmes aujourd’hui nous sommes 860. Quand on a des commandes, l’argent obtenu par la vente des pierres sert à générer des micro-crédits. Toutes les adhérentes peuvent emprunter sans intérêt pendant 12 mois. Alors dans notre communauté, de nouvelles activités se créent : de l’élevage des poules pondeuses, de l’apiculture, de la pisciculture, de la viticulture, de la broderie et art féminins. Nous participons à la construction de différentes infrastructures comme les routes afin de faire venir les camions pour acheter les pierres de notre village. De plus, l’exploitation des pierres nous permet d’augmenter les surfaces cultivables et par-delà de diversifier les ressources alimentaires.

 

En tant que présidente, j’arrive à œuvrer davantage pour les femmes. Ce qui est primordial pour moi, c’est d’éliminer toutes les discriminations et toutes sortes de violence envers les femmes et les petites filles : lutter contre le viol, les risques de mourir pendant l’accouchement, la violence conjugale, la maladie infectieuse et vénérienne, le manque de scolarisation des filles.

J’arrive aussi à convaincre et à conscientiser les conseillers masculins d’utiliser le budget communal :

  • pour construire des bornes fontaines et des puits ;
  • pour mettre en place l’électrification rurale grâce à des groupes électrogènes et panneaux solaires ;
  • pour favoriser l’accès à l’éducation des adultes ;
  • pour construire des écoles primaires, préscolaires et lycée,
  • pour favoriser l’entretien des routes, des sentiers, des chemins inter-village ;
  • pour créer le centre de santé de base.

Tout cela contribue au désenclavement, à l’amélioration du tourisme et au développement de ma communauté.

 

Je vous propose une expérience, vous fermez les yeux, vous voyez des grands rochers autour de vous surgis de la terre, une terre aride, une communauté dans la misère, ….que pouvons-nous faire ? Que pouvez-vous faire ?

Moi, ma réponse a été de prendre un marteau, de dynamiter ce bloc de pierre et de le casser en petits cailloux, animée par un désir de vie… Quelques années plus tard, la communauté s’est redressée, les champs sont devenus verdoyants, ….nous avons retrouvés notre dignité et notre autonomie.

Je suis Noeline Razanadrakoto

Je suis née le même jour que celui qu’on appelle Jésus Christ de Nazareth

Mon nom est Saint

Lumineux comme les rayons du soleil

Je suis la capitaine qui inspire les guerrières

Nous relevons des défis impressionnants : la peur, l’ignorance, l’attentisme, les croyances, les traditions, les préjugés

Nous sommes des femmes combattantes qui osons danser sur les pierres sacrées pour créer de la richesse.

 

Je voudrais remercier :

Tous les responsables du festival : les étudiants qui m’ont choisie, la FUCID

Tous les membres d’Echos Communication

Wivine et Estelle pour leur accompagnement pendant mon séjour ici

Et spécialement les femmes de ma communauté qui m’inspirent, que je considère comme des héroïnes du quotidien

Merci beaucoup messieurs, mesdames ! »

 

CÉLINE PRÉAUX

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