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Savoirs du Sud

Laurien Ntezimana : éduquer

Meditation on the banks of Ganga: Rishikesh

 

L’éducation est reconnue par tous comme une nécessité. N’est-elle pas la voie du développement de la personne et de la société ? Ceci n’empêche pas certains pays de ne pas en faire une priorité ! Ou alors d’en faire un Ministère de la propagande pour l’idéologie au pouvoir ! Ceci réclame de préciser ce que l’on entend par éducation.

La racine latine du mot, e-ducere, signifie mener dehors. Faire sortir quoi ? Les talents cachés ! Dans ce sens, nous devons absolument effectuer un virage à 180°, car nous confondons souvent éducation et enseignement. L’éducation, qui vise à un développement personnel, est de l’ordre de l’être tandis que l’enseignement, qui vise un développement de compétences, est de l’ordre du faire.

Être avant de faire

La coopération au développement est bien souvent orientée vers le faire, auquel tout le reste est subordonné. Cela dénote une vision tronquée du développement. Pour être intégral, le développement doit allier le vertical (être) et l’horizontal (faire). Dans cette alliance, l’être doit naturellement précéder le faire. Si on oublie cela, on fabrique des ressources humaines en lieu et place de former des humains.

geöffnete Holzdose aus Ruanda, mit Kieseln gefülltUne pratique : l’ONG
Imbanzabuzima (Priorité A La Vie)

Au Rwanda, nous avons affaire à des gens qui se croient paumés et définitivement laissés pour compte par la société. Nous avons imaginé une ONG locale qui entend relever le défi de rendre ces gens à eux-mêmes en les mettant debout, ensemble, au travail pour se prendre en charge. En clair, nous entendons travailler avec eux à leur développement intégral. En deux temps, trois mouvements !

Temps 1 : développement de l’être ou vertical

Mouvement 1

Il est important de créer un cadre qui favorise l’expression et l’écoute. Les gens qui viennent nous voir ont généralement des misères à raconter et des problèmes urgents. Pour qu’ils puissent s’exprimer, il faut, autant que possible, écouter sans jugement et sans idées préconçues. Ensuite, par le questionnement, on essaie de découvrir quels sont les talents que la personne peut mettre en œuvre pour régler elle-même ses difficultés. C’est ici qu’il s’agit précisément d’éducation au sens premier : persuader la personne qu’elle a les moyens de prendre son problème en charge.

Mouvement 2

Développer ses forces intérieures ne se fait pas du jour au lendemain. Pour permettre à ceux qui habituellement cultivent la terre de cultiver leur être, nous leur proposons un salaire ! Pour les motiver, l’ONG leur paie la journée d’apprentissage le montant payé d’ordinaire à un laboureur par jour. Ainsi, un jour par semaine pendant six mois, les participants sont payés pour apprendre les lois de la vie. Au début, ils sont un peu choqués et incrédules par rapport aux résultats attendus, mais l’assurance d’être payés les convainc de participer. Pris par l’amusement qu’ils ressentent dans les premières séances, ils développent progressivement de la curiosité et de l’intérêt pour cette journée dédiée à leur être intérieur. Ils sentent des changements dans leur corps et leur rapport au monde évolue. Ils ne se sentent plus si paumés que ça ! Ceci est le début de leur véritable auto-prise en charge.

Les lois sont extrêmement concrètes et s’apprennent par l’expérience. On se concentre sur quatre domaines. Il y a la santé physique qu’on travaille par des exercices de respiration, par des méthodes de gestion du stress ou encore des cours de diététique. On s’occupe également de la santé émotionnelle ; comment lâcher prise, comment utiliser nos charges affectives ou comment aimer sont des questions de base. La santé mentale, qui recouvre la perception de la réalité et donc en partie les préjugés est le troisième élément. Enfin, la santé spirituelle nous permet de travailler la conscience et l’amélioration de soi.

Temps 2 : développement de compétences ou horizontal

Mouvement 3

Au bout de six mois, les participants organisés en équipes de 10 ont une épargne de 240.000 Frw grâce à la rémunération des journées d’apprentissage. Ils ont en outre appris à concevoir, exécuter et gérer de petits projets rentables. Avec leur épargne, ils sont éligibles à des crédits de la part d’organisations de micro-finance. Ayant cultivé la force vitale, ils peuvent maintenant se mettre à cultiver la richesse grâce à leur épargne. Ils sont rendus à eux-mêmes et peuvent désormais se prendre en charge pour être, faire, avoir et partager, déclinant ainsi la vie humaine sous toutes ses formes. CQFD !

Laurien Ntezimana

L’éducation est reconnue par tous comme une nécessité. N’est-elle pas la voie du développement de la personne et de la société ?

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