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en lumière – Les ONG font-elles détester la générosité ?
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Les ONG font-elles détester la solidarité ?

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« Le pire ennemi des ONG », c’est sous ce titre percutant que Léonard Vincent, journaliste et ancien responsable du bureau Afrique de RSF, critique la pratique actuelle de récolte de fonds des ONG. La condamnation est sans appel : à force de tirer sur la corde sensible de la culpabilité, les ONG en arrivent « à faire détester la générosité ». Léonard Vincent s’explique : « Les méthodes de collecte de fonds de beaucoup d’organisations humanitaires modernes sont trop souvent fondées sur l’animation d’un sentiment de culpabilité.[…] Donner de l’argent, c’est cela, ″faire notre devoir″. Nous sommes le peuple de l’argent, les autres sont les peuples de l’indigence. Victimes, bourreaux. Si nous les [les collecteurs de fonds] évitons, c’est de mauvaise humeur, contre nous-mêmes d’abord et puis contre eux, qui nous rappellent à notre irréductible déchéance existentielle. » Pour le journaliste, ce sentiment de culpabilité se lie, dans un drôle de mélange, à une conviction de supériorité. S’il existe aujourd’hui une sorte d’« impératif moral » (ce sont là les termes de Léonard Vincent) à secourir le Sud démuni (selon l’image que l’on s’en fait), ce serait non seulement parce que nous désirons nous dissocier « des affameurs, des tyrans, des assassins, des censeurs, des impitoyables », mais aussi parce que nous nous considérerions comme « les seigneurs de la planète ». C’est ainsi que Léonard Vincent taxe les donations occidentales d’« aumônes des temps modernes ».

Le jugement est sévère, arrêté, radical. Faut-il condamner les pratiques de ces ONG et les rendre responsables d’un « dégoût de la générosité » qu’elles inspireraient aux donateurs potentiels ? Loin de nous la volonté de nous imposer comme des donneurs de leçons, comme des arbitres dans un débat ô combien complexe et compliqué. Les méthodes de communication des ONG peuvent prendre plusieurs formes. La tentation de se tourner vers le misérabilisme peut être forte. Les images choc, les désastres, les malheurs si profonds qu’ils transpirent dans les pores d’une personne qui, une fois figée par un objectif, deviendra l’étendard d’une cause irrévocablement urgente, appellent directement aux émotions de chacun de nous et ont souvent un impact immédiat « bankable ». Qui a oublié ce petit enfant africain, se mourant de famine tandis qu’un vautour guète son trépas ? La photo polémique de Kevin Carter – qui lui valut le Prix Pulitzer en 1994 – a fait le tour du monde et a bouleversé les consciences. Efficace. Est-ce pour autant l’image que nous voulons donner de l’Afrique ? Sommes-nous honnêtes en réduisant l’Afrique à cette extrême misère, à ces souffrances sans nom ? Autrement encore : Doit-on donner par charité ou par conviction ? Sommes-nous ces « seigneurs de la planète » ou des collaborateurs qui croient en la force d’un projet et qui veulent autant investir que participer ?

Au sein d’Echos communication, nous nourrissons une conviction profonde : l’Afrique, dans toute sa variété et dans toute sa complexité, a beaucoup de choses à nous offrir et à nous apprendre. Elle regorge de possibilités et de volontés motrices. C’est aussi dans un souci permanent de réciprocité que nous œuvrons pour changer le regard que nous portons sur l’Afrique. Donner, non pas parce que nous voulons aider, mais parce que nous voulons soutenir, non pas parce que nous voulons indiquer la voie mais parce que nous voulons être de l’aventure et suivre ceux qui connaissent leur terre et savent mieux que nous quels chemins emprunter, et apprendre, toujours.
Lire l’article de Léonard Vincent ici.

 

CÉLINE PRÉAUX

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